Prends tes racines avec toi

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Migration, voulue ou forcée, déracinement, expatriation. Les raisons d’un changement radical de lieu de vie sont multiples mais la question du lien avec ce que l’on connaît, ce que l’on apprécie, avec ceux que l’on aime est toujours présente.

Luciana Vaccaro, présidente de Swissuniversities, disait* « Comme être humain, nos racines ne sont pas simplement où l’on nait, mais où on les transporte. »

Encore faut-il que nos racines soient solides, respectées et entretenues à leur juste valeur.

Quel est le rôle de la famille ?

Savoir d’où l’on vient, connaître les valeurs que l’on porte en soi, se créer un monde qui rassemble les étapes précédentes et le présent, n’est-ce pas avant tout du ressort de la famille, des parents ?

Qui d’autre que le milieu familial pour faire vivre les langues que l’on a apprises ? Qui d’autre pour transmettre les coutumes, les chansons ou les recettes de cuisine ? Ou pour rappeler les événements nous ayant marqué, nous ayant créé ?

C’est un objectif qui peut s’avérer particulièrement difficile pour les parents car il est souvent mêlé d’émotions qui ne sont pas toujours comprises, ou maîtrisées. Et pourtant c’est un effort qui me semble déterminant pour l’avenir de la famille, des adultes et des enfants.

Qu’en est-il de l’école ?

Cette réflexion m’amène au domaine de l’école car, à mon avis, cet espace de socialisation et d’identification a un grand rôle à jouer pour les enfants et je n’ai pas toujours eu l’impression que les autorités s’en rendaient compte. 

Pendant une dizaine d’années, j’ai participé activement aux études PISA (un programme de l’OCDE) dont le but était de tester les compétences des jeunes de 15 ans au niveau international. Les résultats assez différenciés d’un pays à l’autre nous ont encouragés à essayer d’en comprendre les raisons. S’il était évident que plusieurs facteurs étaient en jeu, celui de l’intégration des enfants venant d’autres pays s’est montré déterminant. En bref, deux exemples.

D’un côté la Finlande qui se démarquait par un excellent niveau général des élèves. Pour accueillir les enfants venant de l’ex-URSS, la Finlande a rapidement créé des classes dans lesquelles les enfants apprenaient le finnois et la culture finlandaise mais continuaient aussi à s’enrichir de leur culture russe. L’objectif était de ne pas les couper de leurs sources et de les intégrer aux classes régulières quand ils maîtrisaient suffisamment le finnois.

D’un autre côté la Suisse qui, malgré ses bons résultats, montrait de grandes faiblesses chez les jeunes migrants. L’objectif en Suisse est d’intégrer ces enfants le plus rapidement possible dans les écoles. Ils bénéficient de quelques heures de la langue locale par semaine et la valorisation de leur culture d’origine est laissée au bon vouloir des enseignants. Résultat : pour beaucoup la langue d’enseignement constitue un handicap dans toutes les branches, et ce à long terme.

Bien entendu, les situations ne sont pas semblables et le flux migratoire en Suisse est très diversifié, ce qui rend les mesures difficiles. Mais ne serait-il pas possible de mieux s’inspirer des stratégies gagnantes ? Le coût global serait certainement moindre…

La force de l’ancrage

Se faire des racines là où l’on habite ne signifie pas couper les précédentes. C’est en ajouter de nouvelles. Avoir de nombreuses racines venant de différents contextes, de différentes expériences de vie, c’est aussi acquérir une compréhension à la fois globale et fine de l’humanité, et de la vie sur terre. 

Valoriser nos racines, c’est aussi se permettre de devenir un être multiple et complexe. 

Avancer sur son chemin

Je pense en particulier aux enfants et aux adultes qui ont vécu la migration ou le déracinement. Je comprends les sentiments contradictoires qui peuvent les habiter entre se lamenter et se réjouir, entre l’envie de regarder en arrière et la peur du futur. 

Il me semble alors que la question essentielle est de savoir ce que l’on fait de ces multiples racines, de ces héritages. Ces racines aident-elles à grandir ? La diversité de références ouvre-t-elle à une plus grande compréhension du monde, des cultures, des humanités ? 

Si vous avez vécu de telles situations, avez-vous su y trouver de la richesse, de la reconnaissance même ?

Ou encore, savez-vous quelles migrations vous portez en vous, vécues par vos aïeux ou aïeules ? Vous enrichissent-elles ou vous freinent-elles ?

* Luciana Vaccaro, présidente de Swissuniversities, s’exprimait à ce sujet dans la Revue Générations 161 de novembre 2023.

2 réponses sur “Prends tes racines avec toi”

  1. Intéressant comme article.
    J’y retrouve des éléments commun notamment de faire des + avec nos différentes racines.
    Merci d’avoir suivi le 1er Sommet des Femmes MultiCulturelles et d’avoir partagé avec nous une partie de qui vous êtes.

    1. Merci Mabé pour votre retour. Le Sommet que vous avez organisé avec Biba Pedron nous a donné l’occasion d’entendre le vécu de 18 femmes dont le point commun est une attitude positive, et même reconnaissante, face à la multiculturalité où la vie les a menées. C’était très intéressant et ces témoignages ont certainement été utiles à plusieurs participantes (nous étions surtout des femmes, et c’est normal).

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