Il n’y a pas de vieux, seulement des personnes avec une plus longue expérience de vie.
La complexité de la vieillesse
Comment faut-il appeler ces hommes et ces femmes qui, au fil des décennies, ont vécu tant de bonheurs et de malheurs, de victoires et de défaites, de joies et de peines ?
Comment saisir la complexité d’une vie ? Comment comprendre la valeur de l’expérience que toute personne porte en elle et désire souvent offrir à son entourage ?
Après avoir essayé d’encourager mon père à écrire ses mémoires, il finit par me répondre : « C’est vraiment un grand travail de résumer quatre fois vingt ans, mais je vais le faire ». Six ans plus tard, je recevais sa monographie. A mon plus grand bonheur.
Quatre-vingt ans. Quatre-vingt-six ans. C’était un vieux monsieur, qui portait effectivement les marques physiques de la vieillesse. Mais son esprit était jeune, curieux, amusé, ouvert au dialogue et à l’émerveillement.
Ma mère aussi, qui a vécu un peu plus de quatre-vingt-dix ans, était une vieille dame. Elle aussi portait sa vieillesse dans son corps, même si elle était très fière d’être restée si souple ! On sentait sa jeunesse dans son ouverture et dans une certaine candeur, douce et accueillante.
Ce sont de beaux exemples.
Petit tour des synonymes
Si on jette un œil sur les synonymes de « vieux » et « vieille », on trouvera des adjectifs peu respectueux comme « sénile », « usé.e », « croulant.e », « vioc-vioque » … Mais aussi des mots plus attractifs comme celui de « aîné.e », de patriarche (et matriarche ?) ou plus tendrement de « papi » ou « mami ».
A cela s’ajoute le constat qu’on peut bien être vieux et jeune en même temps ! Et que, en outre, certain.e.s vieux et vieilles ont un esprit jeune alors que de jeunes adultes nous semblent parfois bien vieux dans leurs habitudes, dans leurs réflexions.
Qu’en est-il alors si l’on nomme les personnes âgées nos « aîné.e.s » ? Avec un tel mot, nous entrons dans une autre perception. Celle de la différence d’âge. Quel que soit notre âge, nous sommes toujours l’aîné.e de quelqu’un. Et la cadette ou le cadet d’un.e autre, d’ailleurs. J’aime ce terme. Si je suis considérée comme une aînée, cela signifie que j’ai vécu un peu voire beaucoup plus longtemps que d’autres personnes.
Ensuite, qu’en est-il de l’appellation « senior » ? Malheureusement, comme le mot « patriarche », il n’est pas prévu pour les femmes ! Pourtant, nous le devenons toutes et tous. Il fait référence à notre expérience. Expérience dans un domaine précis ou dans la vie. Selon le dictionnaire Robert, il s’agit d’ une personne de plus de 50 ans. Alors, oui, à partir de 50 ans, il me semble qu’on apprécierait d’être considéré.e comme sénior, au sens de porteur d’expérience, dans le travail notamment.
Et pourquoi ne pas considérer les personnes d’un âge avancé comme des sages ? Un terme qui porte en lui l’idée d’une personne réfléchie, raisonnable, sensée, philosophe… Mais franchement, n’est-ce pas un peu trop idéaliste ? Combien de personnes pouvons-nous vraiment considérer comme des « vieux sages » ? Cela dit, voilà encore un terme qui n’est pas prévu au féminin.
Finalement, que choisir ?
Décidément, le terme que je préfère est celui de « senior ». Il est respectable, relativement neutre tout en reconnaissant une valeur particulière à la personne. De plus, il remplace facilement un autre terme trompeur : celui de retraité.e.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
A quelle expression vous identifiez-vous, quel que soit votre âge ?
N.B. Les vieux de la vieille, un film cocasse de Gilles Grangier de 1960
J’aime beaucoup ton article Huguette. Etant moi-même une Senior de 76 ans, je n’apprécie pas quand ma fille parle de moi en disant à ses amis ou à moi-même que je suis « vieille », cela me semble péjoratif et ne correspond pas à mon état d’esprit.
Mes parents sont décédés à 81 et 87 ans et ils étaient restés jeunes (du moins jusqu’à la mort de papa, car maman ayant été placée en maison de retraite ensuite, elle semblait avoir cessé de vivre.
Souvent, mes amis et connaissance m’exhorte à écrire sur mon expérience professionnelle ou ma vie d’aventurière, mais j’ai l’impression que cela n’intéressera pas grand monde et que cela ne ferait que flatter mon ego !
En tous cas, j’adore ta citation placée en exergue.
Comme je te comprends ! Mais du coup j’ai envie de t’encourager à écrire ta vie, avec les différents aspects qui te constituent. C’est tout d’abord un bon nettoyage et remise en ordre pour toi-même. C’est valorisant sans pour nécessairement flatter ton égo. Et d’ailleurs pourquoi ne pas te flatter, te féliciter ? et puis, contrairement à ce que tu crois, tu peux inspirer d’autres et les aider à voir leur propre vie différemment, probablement de manière plus positive. Un beau projet devant toi. Saisis-le 🙂
Age is a number. Like in most spiritual aspects, it is about you – mostly bothers you and not others. Actually, for me it does not really matter what others call me. As time passes, people would call you differently based on their own age and perception. What does matter is ‘what and how I feel about myself’ ! So far, it has been nice. I have always felt young and energetic, both physically and mentally. Going forward, I would strive to keep my fitness up, but cannot say with certainty as to how young the ‘physical me’ would feel. Hope to stay young at mind. Cheers
ps: I read your articles in English. May lose the punch of some of the words that you use in French
Thank you Ramesh for your reflexion. It is true that the most important is how you feel yourself. But I also noticed that the words used by the people around us have some effects. It is possible that the women in the european societies feel more intensively the use of some words than men.
Merci Huguette pour l’éventail des points vue sur la vieillesse. Bienheureuses celles qui peuvent se souvenir avec reconnaissance de la manière dont leurs parents leur ont vécu ce passage ! Mon expérience c’est qu’après avoir craint de vieillir je trouve maintenant, à 80 ans, tellement de bonheur et de légèreté. En plus mon fils vient de m’envoyer un bel article, paru dans Le Temps du 24 septembre 2022 :
Grand âge
Vieillir, ce n’est pas chuter,
mais gravir l’escalier de la vie
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Geneviève Delaisi de Parseval sait de quoi elle parle. À 82 ans, la psychanalyste célèbre cette « cinquième saison qui donne des framboises au chêne », comme le notait joliment l’écrivain Jean Giraudoux.
Ce que les personnes âgées perdent en capacités physiques, elles le gagnent en liberté. Largement. Avec le grand âge, on relit sa vie et on relie les événements entre eux, on transmet, on peut encore surprendre, car, contrairement à ce qui se dit, la mémoire « augmente, elle ne s’atrophie pas » et, surtout, on est beaucoup plus créatif que le moi adulte, souvent enfermé dans des contraintes de temps et de rendement.
Tel est le constat enthousiasmant que Geneviève Delaisi de Parseval établit dans L’Art d’accommoder la vieillesse, paru le 12 septembre dernier aux Editions Odile Jacob. Cet ouvrage qui s’intéresse à l’après-retraite met en lumière une population inédite dans l’histoire de l’humanité « puisqu’en un siècle, l’espérance de vie a doublé ».
L’argent ne fait pas tout
Alors que cette terra incognita pourrait exciter la curiosité du monde scientifique, la psychanalyste reproche à la société occidentale d’être gérontophobe… – à l’exception des pays nordiques – et de passer à côté des subtilités de cet âge, à l’image du peu d’intérêt qu’elle a témoigné aux bébés jusque dans les années 1970. Visite guidée.
Déjà, la vieillesse « n’est pas un continent homogène rempli de petits personnages du genre Lego », commence la spécialiste. Il y a autant de disparités sociales et économiques que dans les autres tranches d’âge, ce qu’on oublie parfois, et, sans surprise, il est plus facile d’être un homme riche et en bonne santé de vieillir que pour une femme pauvre et malade. Quoique avec le scandale des EHPAD, ces établissements luxueux sur le papier qui ont maltraité des personnes âgées, il est illusoire de croire que « l’aisance financière protège », nuance l’auteure, qui soupire également devant cette phrase célèbre de l’actrice Simone Signoret se comparant à Yves Montand : « Les femmes vieillissent quand les hommes mûrissent ».
La vraie protection, « celle qui permet de vieillir avec une subjectivité vivante », consiste à ne pas confondre fragilité physique et vulnérabilité psychique. Parce que le corps perd en puissance, parce que les prothèses en tout genre viennent remplacer les rouages déficients, les personnes âgées sont vues et se voient elles-mêmes comme des maillons faibles de la société. Or, la prothèse peut se transformer en greffe, assure la psychanalyste. « À travers une élaboration mentale et un travail de sublimation, il est possible de faire vivre la greffe du noyau jeune dans un corps âgé ».
C’est génial, Thérèse, que tu aies offert ici cet article paru dans le temps. Il a été publié en même temps que mon propre article. Alignement des étoiles…
Et je te remercie aussi de nous partager ton propre vécu. Moi aussi, même si je suis plus jeune, je commence à sentir cette légèreté grandir en moi 🙂