Comme je l’avais annoncé dans mon article « Perdre ou gagner » de novembre 2022, ma fille est partie avec sa famille en Nouvelle-Zélande.
Cette découverte à l’autre bout du monde est l’occasion de nombreux étonnements. Pour moi, qui ai tant étudié le domaine de l’école, je suis évidemment avide d’en savoir le plus possible sur ce qu’il se passe « là-bas » et comment mes enfants et petits-enfants vivent ces changements.
Je vous livre quelques surprises.
Comment intégrer les nouveaux venus ?
Raymond* a déjà été quelques semaines à l’école mais c’est maintenant la rentrée après les grandes vacances. La rentrée se fait le jeudi. Enfin, la pré-rentrée, car il s’agit surtout d’expliquer aux enfants ce qu’il va se passer le lendemain, lors de la cérémonie, comment l’école fonctionne et quelles sont les valeurs fondamentales à garder en tête. Ainsi donc les enfants sont bien préparés, et rassurés.
Vendredi, cérémonie officielle. Tous les enfants sont assis dans le préau, face au groupe des enseignants. Les parents sont aussi présents. Les enseignants souhaitent la bienvenue, notamment par des chants, en maori.
Puis chaque nouvel élève est appelé à lever la main, par invitation dans la langue de l’enfant « Bonjour Raymond, bienvenue chez nous ». Quelques mots en anglais sur le fait que Raymond vient de Suisse et concrétisation par le drapeau suisse porté par deux élèves.
Les parents sont ensuite invités à une rencontre avec les enseignant.e.s. Ils reçoivent de multiples informations sur le fonctionnement de l’école, des classes, mais également sur les valeurs qui fondent cette école en particulier.
J’y vois l’envie d’une relation franche et directe entre enseignants et parents dès le premier jour. En connaissant relativement bien l’école, les parents pourront mieux comprendre le vécu de leurs enfants, les rassurer probablement aussi.
Comment valoriser les individualités ?
Un uniforme rouge pour tous les enfants. Il ne s’agit nullement de prendre les enfants comme un groupe homogène et indifférencié. Bien au contraire. La valeur ici est Egalité par laquelle les enfants ne sont pas identifiés par les vêtements que leurs parents auront pu leur acheter.
J’y vois la volonté de considérer chaque enfant pour ce qu’il est et non pas ce qu’il possède, ou le milieu d’où il vient. Que cela soit inconscient ou non, les marquages culturels ont leur poids.
Je vois aussi dans la couleur rouge un reflet de l’énergie qui est en chaque enfant. Par ailleurs, cette acceptation de l’énergie des enfants trouve un écho dans la vie quotidienne, dans toutes les occasions privées ou publiques.
Comment mettre les enfants sur le devant de la scène ?
Il est demandé aux parents de donner trois dates importantes pour leur enfant. Pour Raymond, ce sera son anniversaire, le premier août (fête nationale suisse) et son arrivée en Nouvelle-Zélande. Au fil des semaines, chaque enfant verra son drapeau hissé sur l’école et les enseignants prendront cette occasion pour demander à tous quel est ce drapeau, qui représente-t-il, et pourquoi ce jour lui est destiné.
En nommant ce qui émeut chaque enfant, voilà une belle leçon d’empathie, ainsi qu’une agréable leçon de géographie, et peut-être d’histoire.
Comment tenir compte des besoins de chaque enfant ?
Lors de la rencontre avec la maîtresse, les parents lui ont dit que leur fils aimait bouger. Se tournant vers lui, la maîtresse proposa qu’il lui fasse signe quand il aurait besoin d’une pause. Ainsi elle pourrait s’arrêter un moment pour que celles et ceux qui le désirent fassent une petite course jusqu’au terrain de sport. D’ailleurs, toute l’école est au rez-de-chaussée pour faciliter l’accès à l’extérieur.
J’y vois une reconnaissance effective des besoins des enfants, une reconnaissance de la capacité des enfants à énoncer leurs besoins et un encouragement à imaginer que d’autres enfants ont les mêmes besoins. N’est-ce pas un bon chemin pour renforcer l’estime de soi et l’esprit de groupe ?
Comment créer un préau des grands défoulements ?
Les enseignants ont mis en place un système de financement pour des projets particuliers, non prévus par l’éducation nationale. Ainsi, dans l’école de Raymond, le préau a fait l’objet d’attentions particulières. De nombreux espaces ont été aménagés pour jouer seul ou avec d’autres, pour être tranquilles ou remuant. Un préau de rêveoù on y passerait bien la journée. Mais à cela il faut ajouter un détail très important : les enseignants ont montré et expliqué aux enfants quelles règles suivre pour que tout le monde soit heureux.
J’y vois une réelle volonté de donner aux enfants les moyens de se sentir libre tout en se comportant de manière respectueuse envers les autres et le mobilier.
Gardons ces belles surprises en tête
Il ne s’agit évidemment que de flashes. Et probablement que certains aspects de cette école pourraient moins nous plaire. Mais à la lecture de ce qui précède, n’êtes-vous pas tenté de rêver à une pareille école, chez vous, pour les enfants et leurs parents ?
(*) Nom d’emprunt
Effectivement, la façon d’accueillir chaque enfant nouveau-venu, de lui signaler que ses particularités seront prises en compte, mais en l’intégrant dans un groupe qui se veut uniforme et respectueux des règles, qu’on le fêtera durant l’année en soulignant sa provenance géographique, tout cela est séduisant. Ce n’est pas trop étonnant dans un pays construit sur l’immigration, mais bravo à l’école néo-zélandaise!
Merci Véronique pour ton commentaire. Cet article est aussi un grand bravo à cette école. Et ça me réjouis beaucoup de savoir que mes petits-enfants en profitent !
Article passionnant sur cette école de rêve. <peux-tu nous dire quel âge a Raymond ? Merci.
Oui, bien sûr Danny. Raymond a 6 ans et demi.
Même si le début de sa scolarité a bien commencé en Suisse, ce « nouveau démarrage » a quelque chose de plus !
Bonjour, j’ai été la première enseignante de votre deuxième petit fils. Je suis véritablement conquise par cette école . Votre article lui rend honneur. Je dis bravo à votre fille et votre gendre pour avoir eu le courage de partir à l’autre bout du monde afin de donner le meilleur à leurs enfants…. car malheureusement ce n’était clairement pas au cœur de notre système scolaire vaudois qu’ils auraient pu y accéder. Meilleures salutations
Bienvenue « Yaya » (!) pour votre retour. C’est intéressant d’avoir votre vision et je vous remercie pour votre soutien. Nous aussi nous sommes ravis de cette nouvelle vie tout « là-bas », même si c’est un peu loin pour les câlins et les complicités… Je vous inscris sur ma liste de distribution ? Je publie un article chaque premier du mois et vous avez peut-être aussi vu sur mon site d’autres infos intéressantes. A bientôt et merci.
Avec plaisir 🙏
Super, j’espère que vous y trouverez de l’inspiration, ou des réponses aussi. Et je me réjouis de vos retours. Cordialement.
Merci pour ce beau partage. Je sens que même à distance tu vibres de très près à ce que vis ton petit-fils. Je m’empresse d’envoyer ton article à mes fillles qui ont des enfants en âge « scolaire ».
C’est bien juste, Thérèse, de dire que je vibre. J’ai la chance que ma fille profite bien d’Internet pour partager avec nous les événements et la vie quotidienne. C’est vraiment une belle aventure.
Bonjour Huguette,
Merci pour cet article si intéressant…Je suis très heureuse que ton petit-fils ait pu vivre ce bel accueil dans son école. La Nouvelle-Zélande est en effet un pays qui met les priorités bien différemment des nôtres. La proximité de la nature et son respect, l’esprit de manaakinga (= hospitalité), l’humain, dans tous les sens du terme, sont bel et bien des priorités dans ce pays où j’ai voyagé avec bonheur et en toute simplicité en famille il y a une petite vingtaine d’année. La récente démission de Jacinda Arderne, première ministre qui quitte son poste car elle estime ‘n’avoir plus assez d’énergie’ pour rester en fonction me semble aussi très symbolique de cette authenticité.
Coincidence ou pas, il se trouve qu’au moment où je lisais ton article, je parcourais aussi une trentaine de rapports écrits par des gymnasien.ne.s suisses après une semaine de stage dans des écoles primaires de l’espace BeJune. ( Ces jeunes s’intéressent au métier d’enseignant.e.)
Alors, comme un simple écho à l’expérience que tu relates, j’ai eu envie de partager quelques éléments de ces rapports.
Après une semaine passée à accompagner une classe et un.e enseignant.e, souvent des les degrés 3H-4H-5H, ces jeunes de 17-18 ans environ ont été touché.e.s et surpris.e.s par les changements par rapport à leur propre scolarité.
Elles/ils ont évoqué, entre autres, la douceur de l’accueil et des rituels du matin, les chansons autour des prénoms de chacun.e, les leçons de ‘vivre ensemble’ ( sur le thème de l’empathie et de l’attention à l’autre), les ‘conseils de classe’ réguliers où les enfants amènent un objet symbolique important pour elles/eux à ce moment. Ils ont décrit les leçons de dessin où après avoir ‘construit’ un conte toutes/tous ensemble, les enfants l’ont illustré librement. Elles/ils ont mentionné aussi les leçons où les élèves ‘apprennent à apprendre’ ( en l’occurrence, des activités ludiques autour de la mémorisation…).
Certes, elles/ils ont parlé aussi des nombreuses fiches, ont avoué avoir vu l’envers du décor et ont relevé la patience des enseignant.e.s dans des classes surchargées et à plusieurs degrés ( jusqu’à 4!) où différentes personnes défilent tout au long de la semaine pour aider certains enfants…à s’intégrer.
Mais j’avais envie de partager ce qui à la lecture de ces récits m’a donné espoir…
Merci mille fois Véronique d’avoir pris le temps pour ces longues explications, qui donnent de l’espoir aussi ! Je suis très heureuse d’apprendre de tels changements ici et aussi de constater que les enseignant.e.s s’enrichissent d’autres expériences pour leur pratique. C’est top.
Merci pour cet article très intéressant qui invite à la réflexion ! Cette présentation d’un autre système scolaire ouvre à mon sens une réflexion plus large encore : celle des questions d’intégration, de vivre ensemble et plus généralement de société diversifiées et multiculturelles. Cela me montre que, a priori, un modèle d’inclusion (bien) différent de note modèle existe ; un modèle où les différences ne sont pas obstacles, mais sont au contraire valorisées. J’espère qu’on arrivera à jouer à l’échelle d’une société ce qui se joue dans l’école qui est décrite !
Merci Marion pour ces réflexions. Moi aussi j’espère que ce type de modèle se répande. Hélas, cela fait longtemps qu’il existe… ailleurs…Au moins mes petits-enfants en profitent !